Les points de vigilance de la rentrée [3]

Les points de vigilance de la rentrée [3]

18.09.2022

Gestion du personnel

Quels sont les sujets législatifs, jurisprudentiels, contentieux de ces derniers mois que les DRH devront avoir en tête au moment de la rentrée ? C'est ce que nous avons demandé à plusieurs avocats. Troisième volet avec Karim Benkirane, avocat au sein du cabinet CMS Francis Lefebvre. Au menu, le suivi du temps de travail, les échanges professionnels et le règlement intérieur.

Point de vigilance n° 1 : le suivi du temps de travail

"Les DRH ne sont pas forcément bien préparés à un contrôle de l'inspection du travail sur la question du décompte du temps de travail. Il faut distinguer selon que l'entreprise est soumise à un horaire collectif ou non. 

Le système d'horaire collectif permet de fixer les heures de début et de fin du travail ainsi que les temps de repos à toute l'entreprise ou seulement à un service. L'horaire collectif s'applique alors uniformément à tout salarié ; aucun d'entre eux ne peut être employé en dehors de cet horaire (sauf heures supplémentaires ou salariés en forfait-jours).

Théoriquement, le droit national n'impose pas à l'employeur de prévoir un mécanisme de décompte du temps de travail. Il est toutefois conseillé de le faire. En effet, dans une décision du 14 mai 2019, la Cour de justice de l'Union européenne a décidé que les Etats-membres doivent imposer aux employeurs de mettre en place un système objectif, fiable et accessible pour le décompte du temps de travail journalier. Ainsi, même si le droit national n'oblige pas un décompte dans cette hypothèse, il est fortement recommandé de le mettre en place notamment pour apporter la contradiction au salarié qui réclame le paiement d'heures supplémentaires ou invoque un non-respect des durées maximales de travail. 

Lorsque l'entreprise n'est pas soumise à un horaire collectif de travail, l'employeur est obligé de prévoir un mécanisme de décompte du temps de travail. La loi n'impose aucune modalité particulière pour le décompte du temps de travail. Si l'entreprise met en place un système informatique ce dernier doit toutefois être fiable et infalsifiable.

En l'absence d'un système de décompte l'employeur s'expose à deux risques. 

Le premier à l'égard du salarié qui peut demander un rappel d'heures supplémentaires ou invoquer un non-respect des durées maximales de travail. La charge de la preuve est certes partagée sur la question des heures supplémentaires, mais s'il existe un mécanisme de décompte du temps de travail, l'employeur pourra plus facilement apporter la preuve contraire 

Le second à l'égard de l'inspection du travail qui, si elle constate un manquement, pourra adresser à la Dreets un rapport. L'employeur s'exposera alors à une sanction (avertissement ou amende administrative qui peut atteindre jusqu'à 4000 euros par salarié concerné)". 

 

Point de vigilance n° 2 : les échanges professionnels

"Il convient d'être prudent lors des échanges internes en entreprise. Des difficultés peuvent être liées au ton employé - parfois inapproprié - ou à la rédaction des emails notamment dans les relations entre les salariés et les managers. Si l'employeur conserve certes le pouvoir de donner des directives et de sanctionner les manquements des salariés, il faut faire preuve de vigilance sur la manière dont les directives sont données. La fermeté n'est pas à exclure, mais attention à ne pas être irrespectueux et à ne pas basculer vers une forme de harcèlement moral (attention notamment à l'utilisation des majuscules et des multiples points d'exclamation). 

Il convient également d'être prudent à l'égard des échanges écrits qui peuvent constituer une sanction disciplinaire, même involontairement. En cas d'attitude inappropriée, le manager peut être tenté d'adresser un email au salarié pour lui demander de cesser ce comportement. Or, cet email est susceptible de constituer un avertissement et empêcher ainsi l'employeur de sanctionner le salarié ultérieurement pour le même comportement. C'est ce qu'a décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 2 février 2022 s'agissant du compte rendu d'un entretien d'évaluation. 

L'employeur doit également faire preuve de vigilance en matière de liberté d'expression. Celle-ci est garantie au salarié sur son lieu de travail et en dehors. Il peut bien sûr être sanctionné en cas d'abus, s'il tient des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs. Critiquer la stratégie de l'entreprise peut par exemple relever de la liberté d'expression du salarié. Toute décision hâtive doit donc être évitée et toute référence à la liberté d'expression dans la lettre de licenciement est proscrite. 

Dernière mise en garde s'agissant du salarié en arrêt de travail. L'employeur ne peut pas le solliciter sauf urgence (par exemple un renseignement que seul le salarié détiendrait et qui est nécessaire pour la poursuite de l'activité). Dans le cas contraire, le salarié contacté pourrait demander des dommages-intérêt pour non-respect de l'obligation de sécurité de la part de son employeur et/ou pour harcèlement moral (tel était le cas dans un arrêt du 6 juillet 2022 : le salarié avait travaillé pendant son arrêt de travail à la demande de son employeur et avait réclamé des dommages-intérêts). 

 

Point de vigilance n° 3 : la modification du règlement intérieur

"Depuis le 1er septembre 2022, le règlement intérieur doit rappeler l'existence des dispositions de protection des lanceurs d'alerte (article L.1321-2 du code du travail issu de loi du 21 mars 2022). Le texte indique qu'il convient de "rappeler" les règles et non de reproduire le contenu de la loi. 

C'est l'occasion pour les entreprises de procéder à une mise à jour de leur règlement intérieur en raison notamment de la réécriture d'articles du code du travail, comme ceux sur le harcèlement moral et sexuel modifiés par la loi du 21 mars 2022. 

Il est également opportun de revérifier certaines clauses du règlement intérieur, notamment celles liées à la mise à pied disciplinaire. En effet, certains règlements intérieurs n'ont pas été mis à jour depuis un certain temps et ne fixent pas de durée maximale pour la mise à pied disciplinaire. 

Il peut être également pertinent d'introduire dans le règlement intérieur une clause de neutralité si l'activité le justifie pour celles des entreprises qui ne l'auraient pas encore fait.

Rappelons que toute modification du règlement intérieur doit faire l'objet d'une information-consultation du CSE. Le règlement intérieur modifié doit ensuite être transmis à l'inspection du travail en deux exemplaires avec le procès-verbal de réunion du CSE et déposé au greffe du conseil de prud'homme dont relève l'entreprise. Il doit également être porté à la connaissance des salariés par tous moyens. Il entre ensuite en vigueur au plus tôt un mois après l'accomplissement de la dernière formalité de dépôt et de publicité.

 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Florence Mehrez
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